Pour avoir plus de chance de trouver un emploi plus tard, pour parler la langue du voisin ou de ses grands parents, ou simplement pour l’ouverture d’esprit, de plus en plus d’écoliers intègrent une classe bilingue. Mais qu’apprend-on dans ces classes et comment ? Réponses dans la classe de CE2-CM1-CM2 bilingue de l’école Anne-Frank à Vieux-Thann.
8 h, les écoliers entrent en classe. Les rituels commencent. C’est très convivial, dans la classe de Christelle Hirt, 24 ans, titularisée à Vieux-Thann cette année, après un passage dans le Bas-Rhin. L’appel, et les enfants se saluent en se demandant l’un l’autre « quoi de neuf pour toi ? » ; l’un d’eux dit la date ; l’autre annonce la météo. Puis ils entonnent un chant, puis en demandent un second. La jeune prof accepte. Ses élèves sont sages et motivés. Visiblement le folk-rock de Nicolas Fischer leur plaît. Puis on décortique une phrase aux drôles de sonorités. Rien de très original… sauf que tout ces échanges se passent… en allemand.
« Je n’ai pas le droit de dire le moindre mot en français », rappelle Christelle Hirt. Quand ils ne comprennent pas quelque chose ? Elle répète, change de tournure, mime… Au mur, des images sont accompagnées du mot allemand qui leur correspond : les objets nécessaires aux différents travaux en classe, les verbes régulièrement utilisés. « Au début je montrais les fiches. Aujourd’hui ce n’est plus nécessaire », poursuit-elle.
Plusieurs élèves récitent ensuite un poème ; puis c’est le moment de la dictée ; et enfin des mathématiques. Là, la classe est divisée en trois niveaux ; les CE2 posent leur soustraction ; alors que les CM apprennent la décomposition de nombres de diverses difficultés. Si les élèves ont des questions, Christelle les encourage à les formuler en allemand. Pas de problème, les écoliers s’exécutent avec une facilité assez déconcertante. Mais dans leur tête, ils réfléchissent en français ou en allemand ? « Les deux », répondent-ils comme si cela allait de soi. L’essence même du bilinguisme… La matinée s’achève par de la grammaire allemande. Même la discipline se fait en allemand. Christelle compte jusqu’à trois… et le silence doit se faire !
Comme dans toutes les classes bilingues de la région, l’enseignement se fait à parité horaire en français et en allemand. Ainsi, le lundi et le jeudi les cours sont en allemand : math, géographie, sciences, sport ; et le mardi et le vendredi, en français, avec une autre institutrice, Adeline Welker. Du coup, les deux instit’ doivent beaucoup communiquer ; pour les bulletins, se passer les infos, coordonner les enseignements…
Mais malgré ces contraintes, pour Christelle Hirt, enseigner en allemand a été un choix. « J’ai une licence d’allemand et suis passée par le centre bilingue à Guebwiller. Je savais que l’Education nationale recherche de plus en plus de prof en allemand et comme j’ai toujours été épatée de voir les tout-petits connaître des mots comme des noms d’animaux que je n’ai appris qu’à la fac, j’étais convaincue du système », déclare-t-elle. Et pour ceux qui connaîtraient des difficultés ? Il existe des heures d’aide personnalisée, également en allemand.
L’après-midi, les écoliers refont des maths puis des sciences. Le thème : les sources d’énergie et les énergies naturelles. Ils réalisent des panneaux, en allemand, qui seront affichés dans l’école. Et comme une langue se pratique avec ceux qui la parlent, dans le cadre du jumelage de la ville de Vieux-Thann avec Rammersweier, les écoliers se rendent visite deux fois dans l’année. Un bon moyen d’éprouver la nécessité du bilinguisme, surtout dans une région frontalière.
Michèle Marchetti