Le casse-tête de l’admission post-bac se poursuit pour des milliers de bacheliers

 
 

Environ 87.000 bacheliers n’ont toujours pas d’affectation dans une formation de l’enseignement supérieur à la mi-juillet. En cause : le manque de places dans les universités.

87.000 bacheliers sont toujours en attente d’une affectation à l’université. Les résultats du troisième tour de la procédure en ligne (APB) sont tombés vendredi après-midi. Les listes d’attente pour décrocher une place dans certaines filières se sont un peu raccourcies. Mais à la mi-juillet, beaucoup ne savent toujours pas quelles études ils suivront à la rentrée.

Soulagement pour certains… Apres ce troisième tour de calcul de l’algorithme, quelque 30.000 étudiants jusqu’ici sur liste d’attente ont finalement trouvé une place dans l’enseignement supérieur. Adèle, qui était en terminale S, à Paris, en fait partie. Après des semaines de stress, elle sait enfin ce qu’elle va faire l’année prochaine. “Je vais à La Sorbonne, en droit. Je suis soulagée, je me dis que je peux enfin profiter de mes vacances. Je peux m’inscrire à l’université et ma vie d’étudiante commence maintenant. Je n’ai pas compris pourquoi j’étais sur liste d’attente aussi longtemps pour, au final, avoir mon premier choix”.

… angoisse pour les autres. APB a donné satisfaction à plus de 84% des inscrits, selon le ministre de l’Enseignement supérieur, soit un peu mieux que l’année dernière. Il reste cependant un problème : parmi les étudiants qui avaient demandé en premier vœu d’être inscrit dans une formation universitaire non sélective, 10.000 candidats restent sur la touche. Avec la hausse démographique, il y a plus de candidats que de places dans certaines filières. Pour eux, il reste une dernière chance : la procédure complémentaire va recenser et mettre à disposition les 158.000 places encore vacantes à ce jour à l’université. Seul bémol : ce ne sont pas toujours les formations les plus recherchées.

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Prérequis à l’entrée à l’université : une sélection qui ne dit pas son nom

Olivier Rollot

D’un côté 200 000 places non encore affectées, de l’autre 87 000 bacheliers sans affectation (dont un peu plus de 9700 avaient placé en premier sur APB une filière non sélective de leur secteur qui aurait dû leur garantir une place), d’un simple point de vue mathématiques la situation semble solvable selon la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’InnovationFrédérique Vidal.

Mais on aurait pu l’anticiper puisqu’un peu plus de 62 000 candidats étaient sans affectation à ce stade en 2016 (lire le Bilan APB 2016) et qu’APB recevait cette année 39 700 candidats de plus (+ 4,9 % dont 25 800 élèves de terminale et 13 900 en réorientation). Comme l’année dernière tous peuvent donc espérer une affectation au bout de la procédure complémentaire qui s’achèvera cette année 15 jours plus tard que les années précédentes, soit le 25 septembre. Mais dans quelle filière sachant que, par exemple, près de la moitié des candidats en STAPS sont recalés d’office ?

Prérequis = sélection ?

La longue litanie des excellents bacheliers recalés dans la filière de leur choix qu’ont présenté les différents journaux télévisés aura sans doute suffit à convaincre la grande majorité de l’absurdité du tirage au sort – « Le tirage au sort, c’est fini en 2018, je m’y suis engagée » promet la ministre – pour autant quelques irréductibles syndicalistes étudiants s’opposeront toujours à tout recours à la sélection. Des prérequis « coercitifs » sont pour eux un « casus belli » contre lequel ils promettent une « large mobilisation » à la rentrée. Et on se souvient qu’il y a un peu plus de 30 ans, en 1986, le projet de sélection à l’entrée à l’université d’Alain Devaquet, ministre délégué chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, avait finalement dû être abandonné face à la pression de la rue.

Les prérequis pourraient-ils n’être qu’incitatifs ? Une idée dont ne veut pas entendre parler le président de l’université Paris-Descartes, Frédéric Dardel, dans Le Monde : «Dire que les prérequis sont coercitifs, c’est un pléonasme. Continuer à dire que les universités doivent accueillir tout le monde avec n’importe quel bac et dans n’importe quelle filière, c’est de l’angélisme ou de l’idéologie. Aucun des étudiants venant d’un bac non scientifique n’a réussi à valider l’une de mes trois licences scientifiques depuis trois ans. On ne donne pas sa chance à chacun en laissant tout le monde entrer à la fac ! »

Moins affirmative dans son propos liminaire à la concertation sur les prérequis (photo) qui a démarré le 17 juillet, Frédérique Vidal affirme que « l’accès de tous les bacheliers à l’enseignement supérieur doit rester un droit. Mais ce droit doit être une réalité ». Et d’asséner : « Quand un étudiant rejoint une filière, nous lui devons la vérité : lorsque son parcours et ses acquis sont en décalage avec les exigences objectives d’un cursus, nous devons lui dire que ses chances sont faibles, nous devons lui faire des propositions pour mettre toutes les chances de son côté, par exemple en lui proposant de faire sa licence en 4 ans ou de suivre des modules renforcés dans les matières-clefs en première année ou en l’accompagnant socialement ».

Comment organiser les prérequis ? Incitatifs ou coercitifs reste d’abord à définir comment seront conçus ces prérequis et qui sera concerné. Un sacré casse-tête en vue…

·     Première question : quels prérequis ? Le consensus est quasi général : il faut un niveau minimum pour intégrer une licence. Mais lequel ?« La condition pour accompagner la réussite des étudiants est de leur permettre de construire un projet cohérent et sur la durée. Par exemple, à quoi sert d’entrer en licence langues étrangères appliquées option italien sans avoir jamais fait d’italien! Il faut des bases minimales ou alors des périodes intermédiaires », demande la présidente de l’université de Haute-Alsace, Christine Gangloff-Ziegler (UHA). De son côté Frédéric Dardel estime que « les pré-requis c’est juste affirmer que par exemple, pour s’inscrire en licence de mathématiques, il faut forcément avoir un bac S. Que pour aller en psycho il faut posséder un bac général. Que pour aller en STAPS il faut savoir nager (il faut au moins être capable de nager 50 mètres, quel que soit le temps qu’on prend, pour obtenir sa première année) ».

·     Deuxième question : y aura-t-il des prérequis dans toutes les filières ou seront-ils réservés aux filières « en tension » ? « Nous demandons que ces prérequis concernent toutes les filières. Car si on décide de ne les instaurer que pour certaines licences, beaucoup d’étudiants demanderont à s’inscrire dans les autres, ce qui créera un engorgement et ne fera que déplacer le problème », explique à 20 Minutes, François Germinet, président de la commission formation de la CPU. Même avis du côté de Lilâ Le Bas, la présidente de l’Unef : « Si les prérequis n’étaient mis en place que pour les filières en tension, cela rendrait le système encore plus illisible pour les lycéens ».

·     Troisième question : seront-ils nationaux ? « L’hypothèse la plus probable est que l’on demande les mêmes prérequis dans toutes les universités, par exemple pour entrer en licence de droit. Sauf pour les facs proposant des licences spécifiques, comme une licence combinant physique et informatique. Là on pourrait imaginer que l’université qui la propose définisse ses propres exigences », répond François Germinet. Mais d’autres imaginent des systèmes propres à chaque université dans le respect de leur autonomie.

·     Quatrième question : pourra-t-on les contourner ? Dans son programme électoral, Emmanuel Macron avait imaginé qu’« un lycéen ne disposant pas de ces prérequis pourra s’inscrire après avoir comblé ses lacunes, par des cours d’été ou par la validation de modules universitaires ». Certains imaginent même de recréer une sorte d’année propédeutique d’un an.

Quand non sélection rime avec échec

Le constat est sans appel : ce sont des milliers d’étudiants qui ne font pas chaque année les études de leur choix suite au tirage au sort. Mais combien qui auraient pu y réussir et laissent leur place à d’autres qui sont quasi certains d’y échouer ? « Il est là, le vrai scandale du tirage au sort : lorsque le hasard décide d’une inscription à l’université, comment s’étonner que l’immense majorité de nos étudiants inscrits en licence soit confronté à l’échec ? », distille la ministre.

Et ces jeunes en échec à l’université sont largement des bacheliers technologiques et professionnels. Parmi les jeunes toujours en attente de propositions sur APB aujourd’hui, il y a en effet 4 fois plus de bacheliers technologiques et 8 fois plus de bacheliers professionnels que de bacheliers généraux. Logique puisqu’ils ont privilégié dans leurs vœux les formations courtes professionnalisantes où les places manquent cruellement. Refusés dans ces filières, les voilà donc contraints de choisir une licence générale dans lesquelles un bachelier professionnel a moins de 3% de chance de réussir. Résultat, l’année commence avec des amphithéâtres bondés puis, au fil des premières semaines, les étudiants sont de moins en moins nombreux :

– 30% des étudiants abandonnent le cycle universitaire en fin de première année ;

– 27% des étudiants de première année à l’université obtiennent leur licence en 3 ans et ils ne sont que 40% à l’obtenir en 4 ans.

Il faut des moyens !

S’il est facile de déclarer comme la ministre qu’il n’est « absolument pas normal que l’orientation de lycéens dépende d’un système informatique » il sera plus difficile, comme elle le demande, d’ « apprendre à faire du sur-mesure, en proximité et non pas uniquement via une plateforme désincarnée ». La concertation va en effet rapidement achopper sur la question des moyens nécessaires à la bonne orientation de 350 000 étudiants de plus d’ici à 2025. Et là il sera bien difficile de dire à un élève qui rêvait d’entrer en BTS analyses de biologie médicale – avec les prérequis nécessaires – qu’il ne reste de la place qu’en lettres modernes… « Contrat de réussite étudiante » ou pas. Sans parler de tous ceux qui n’auront tout simplement pas les prérequis. La création d’un diplôme spécifique de niveau bac+1 destiné aux bacheliers professionnels est ainsi envisagée par la ministre qui demande comment faire « pour que les bacheliers issus des séries technologiques et professionnelles soient accueillis dans la filière de leur choix ? » En ouvrant plus de sections de BTS et de DUT non ?

Mais il ne suffira pas de parler moyens. Ouvrir grandes les portes de filières sans se soucier de l’insertion professionnelle futur des diplômés serait un non-sens. « Comment faisons-nous face aux licences en tension, où le nombre de places est largement inférieur au nombre de candidatures ? Je pense aux STAPS, par exemple, où chacun voit bien que l’ouverture de places n’est pas une solution, sauf à tirer un trait pur et simple sur l’insertion professionnelle des étudiants », s’interroge utilement la ministre sans aller au fond du problème : à quelles compétences faut-il former les jeunes pour leur donner les meilleures chances d’insertion professionnelle tout en permettant aux entreprises de recruter les profils qu’elles demandent ?

Olivier Rollot

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