Nos langues, ce sont l’occitan-langue d’oc, le basque, le breton, le catalan, le corse, le flamand occidental, l’allemand standard et dialectal alsacien et mosellan, le savoyard (arpitan-francoprovençal), les langues d’Oïl, les créoles et les langues autochtones des territoires des Outre-Mer. Toutes résistent en France pour ne pas disparaître car elles figurent toutes à l’inventaire des « langues menacées de disparition » établi par l’Unesco. Malgré l’élan mondial pour que biodiversité naturelle et biodiversité culturelle soient enfin considérées et préservées, malgré les textes internationaux qui régissent les droits de l’Homme et les droits des peuples, l’État français, en dépit de multiples condamnations par l’ONU, continue son œuvre de destruction du patrimoine immatériel millénaire que sont nos langues et nos cultures.
Au point de faiblesse qu’elles ont aujourd’hui atteint, c’est leur survie dont il est question. Les populations concernées sont attachées à la sauvegarde du patrimoine linguistique et culturel de leurs territoires. Cependant les efforts de nombreux militants, parents d’élèves et enseignants de l’enseignement public, de l’enseignement associatif et de l’enseignement catholique ainsi que des élus et bénévoles qui forment un réseau dense et actif, ne peuvent suffire face à la mauvaise volonté de l’État. Il n’existe en France aucune volonté réelle, derrière des apparences et des discours convenus, de la part des pouvoirs politiques qui se succèdent à la tête de l’État, de mettre en place de véritables politiques linguistiques efficaces.
La situation de l’enseignement, vecteur essentiel de la transmission et de la vitalité de nos langues, est emblématique de cette mauvaise volonté. La loi dispose que « les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé … ». Nous constatons que non seulement cette loi et les conventions signées par l’État ne sont pas respectées, mais que les différentes formes d’enseignement (optionnelle, bilingue et immersive) sont mises à mal par la politique de l’actuel ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer. Encore plus que celle de ses prédécesseurs, sa politique conduit à accélérer le déclin de nos langues comme le montrent sa récente réforme du baccalauréat, et ses déclarations au Sénat le 21 mai dernier contre l’enseignement par immersion.
Les attaques contre l’enseignement de nos langues sont nombreuses.
La réforme des enseignements en lycée et de l’organisation du baccalauréat a des conséquences terribles pour toutes les filières de langues régionales, comme le prouvent les remontées de terrain montrant partout une chute dramatique des effectifs d’élèves inscrits en langues régionales.
Le discours officiel, ministre et recteurs en tête, présente cette réforme comme une « avancée » qui « conforte » et « valorise » ces langues et leur enseignement. En réalité elle les fragilise et les dévalorise, elle les prive de toute attractivité par la suppression de possibilités, par la mise en concurrence et par le jeu de coefficients ridicules pour la forme d’enseignement la plus répandue. Les chutes d’effectifs atteignent jusque 70% dans certaines classes de lycée ! C’est le règne du double langage qui continue au sein du Ministère de l’Éducation nationale, d’autant plus que les moyens financiers et humains sont toujours aussi insuffisants pour répondre aux besoins, particulièrement sur certains territoires.
Nous déplorons le refus de toute nouvelle mesure significative en faveur de nos langues dans la loi « pour une école de la confiance » malgré la nécessité d’élargir l’offre d’enseignement de nos langues et les propositions pertinentes de députés et sénateurs.
Nous rappelons que l’enseignement immersif est d’usage courant en Europe et dans le monde pour la sauvegarde de langues menacées par une langue dominante : pour le français au Québec (vis à vis de l’anglais), pour le basque ou le catalan en Espagne (vis à vis du castillan), pour le gallois en Grande Bretagne (vis à vis de l’anglais), pour l’allemand en Belgique germanophone, etc… Il s’agit d’une pratique reconnue pour l’enseignement de nos langues en France, depuis de nombreuses années dans le secteur de l’enseignement associatif avec des expérimentations prometteuses dans l’enseignement public, pour le catalan, en Corse et au Pays basque. Alors que l’urgence devrait être de permettre d’étendre ces méthodes immersives efficaces à l’école publique et dans les écoles privées, selon la déclaration de M. Jean-Michel Blanquer devant le Sénat, tout cela doit disparaître !
Or, ce qui est en jeu, c’est l’existence-même du patrimoine culturel que nous portons, en Corse, en Bretagne, en Alsace et Moselle, en Catalogne, en Flandre, en Savoie, au Pays basque, dans l’ensemble occitan et dans bien d’autres régions françaises attachées à leurs particularités culturelles et linguistiques.
Nous nous sommes rassemblés pour que, au Parlement Européen, à l’Assemblée nationale et au Sénat, dans les Collectivités, villes et villages de nos territoires qui portent la diversité culturelle de la France et de l’Europe, un large mouvement de protestation indignée et combative se lève pour arrêter ces politiques linguicides et pour que soient enfin décidées des politiques linguistiques porteuses d’espoir pour l’avenir à l’image de ce qui se fait au Québec, au Pays de Galles ou encore dans la communauté autonome du Pays basque.